Si le tour de France fait la part belle aux paysages et aux duels entre les coureurs, les vélos sont tout aussi importants dans les performances. Les montures depuis les premières éditions ont énormément évolué tant en termes de technique qu’en termes de poids.
Entre le vélo La Française du célèbre Maurice Garin qui pesait près de 20 kg et les vélos actuels qui peuvent peser moins de 7 kg, les changements ont été nombreux. Petit tour d’horizon des évolutions techniques dans le monde de la petite reine.
Le vélo de Maurice Garin, vainqueur du tour de France 1903
Son vélo La Française avait un poids qui atteignait presque 20 kilos. Le cadré était en acier et les soudures étaient protégées par une épaisse couche de peinture. À cette époque, il n’y avait ni roue libre, ni freins, ni dérailleur. L’entraînement se faisait en 56 x 20 : un grand plateau de 56 dents et un pignon fixe de 20 dents. La seule manière de freiner était de rétropédaler, comme le font les enfants sur leurs vélos. Les cale-pieds étaient aussi en acier et n’avaient pas de courroie de serrage.
Les roues à boyaux avaient tout de même des chambres à air. Le guidon, aux poignées en bois, était directement fixé sur la colonne de direction. Il n’y avait pas de potence si bien que le cycliste était démesurément penché sur son vélo. Malgré tout, Maurice Garin remporte trois étapes sur six à une vitesse moyenne de 25.679 km/h. C’est à peu près la moyenne d’un bon cycliste amateur sur une sortie de 70 km.
De l’après-guerre aux années 80 : des évolutions techniques radicales
Le vélo se modernise petit à petit. Au départ, la bicyclette était vraiment rustique. Peu à peu, elle acquiert des éléments capitaux comme les dérailleurs ou les roues à pneus. Parallèlelement, grâce aux progrès de la métallurgie, on fabrique des cadres de moins en moins lourds. Dans les années 50, le vélo d’Anquetil pesait à peine 10 kilos.
L’arrivée des dérailleurs (1937-1946)
Si les recherches sur le sujet étaient déjà au point dans les années 1870, ce n’est qu’entre les deux guerres qu’on équipe les vélos des coureurs du tour d’un dérailleur arrière. Le « Super Champion » fait son apparition en 1937. À cette époque, c’était le seul modèle autorisé.
Avant cette évolution, les roues avaient deux pignons, situés de chaque côté du moyeu de la roue. Une fois la côte en vue, il fallait s’arrêter et retourner la roue. Le dérailleur avant, lui, va apparaître après la guerre.
Le pneu haute pression par Michelin (1975)
Michelin provoque une petite révolution en proposant un pneu haute pression. Auparavanant, les coureurs utilisaient des pneus à boyaux. Plus résistants, ils étaient aussi beaucoup plus compliqués à réparer puisqu’il fallait coudre le boyau et l’utilisation des rustines était impossible.
Le premier modèle du fabricant français s’appelait « L’Élan ». Alors qu’il devait être cantonné à une utilisation en amateur, les coureurs professionnels vont tomber sous le charme de cette invention et vont peu à peu préférer le pneu au boyau, principalement pour sa facilité d’utilisation.
Années 80-90 : la recherche de la performance et la course au poids
Dans ces années, les ingénieurs travaillent beaucoup sur l’aérodynamique et tentent de concevoir des vélos qui minimisent la perte d’énergie. De plus, ils se sont engagés dans une course au poids. Des découvertes capitales sont effectuées notamment au niveau des matériaux composites.
Greg Lemond, l’ambassadeur du guidon aérodynamique (1979-1989)
Le premier vélo à guidon aile d’avion arrive sur la grande boucle lors du prologue du tour 1979. Il est le résultat d’un travail intense sur l’aérodynamisme des vélos. Le Gitane Delta fait sensation pour son look révolutionnaire, mais aussi par les performances qu’il garantit.
Les recherches progresseront jusqu’en 1989 où Greg Lemond, avec son guidon de triathlonien, devancera Laurant Fignon pour 8 secondes. C’est probablement la première fois dans l’histoire de la compétition que les avancées technologiques sont directement responsables de la victoire d’un coureur.
L’arrivée des pédales automatiques, la fin des cale-pieds (1984)
Les pédales automatiques sont sans doute la plus grosse révolution dans le monde du vélo depuis les années 80. C’est Look qui sort les premiers modèles, les PP65. Les coureurs sont équipés de chaussures spéciales avec des cales sous les semelles, qui se clipsent sur les pédales.
En terme de rendement, au long terme, les performances explosent. Avec des cales pieds, l’efficacité est maximale lorsque l’on pousse sur la pédale et diminue lorsque l’autre jambe relève la pédale. Avec les pédales automatiques, la jambe qui se lève soulage plus efficacement la jambe qui pousse et la répartition des efforts est plus efficace.
Les roues lenticulaires (1984)
Ces roues aérodynamiques sont le fruit du travail sur l’aérodynamique commencé à la fin des années 70. Le premier coureur à en avoir été équipé fut Francesco Moser en 1984, lorsqu’il a battu le record de l’heure à Mexico.
Ce sont des roues pleines qui font leur apparition sur le tour de France 1985. Elles ont beaucoup évolué par la suite, surtout au niveau des matériaux utilisés.
L’armature évolue : apparition du cadre composite (1986)
Les cadres, jusque-là, étaient formés de tubes d’acier et d’aluminium soudés entre eux. Ils avaient deux inconvénients : le poids et le manque de rigidité. En 1986, Look sort le premier cadre carbone. L’entreprise s’est largement inspirée du prototype Torayca, développé par la société Alan en 1976.
Le cadre Look est fait à partir de tubes carbone/kevlar. Les manchons, qui englobent les parties du cadre où les tubes sont soudés entre eux, sont encore en alu. Ce cadre sera utilisé par Greg Lemond avec beaucoup de succès.
Révolution dans le cadre en carbone : la construction monobloc (1986)
Look réalise une prouesse technique avec le KG 196. Il s’agit du premier cadre fait d’une seule pièce. La faible densité du carbone et la construction à plusieurs tubes, faisaient perdre au coureur une partie de l’énergie développée lors du pédalage. Avec le cadre monobloc, la rigidité est bien meilleure et la nervosité du vélo permet au cycliste de pédaler plus vite et plus longtemps.
La construction monobloc, allant de pair avec les progrès technologiques en matière de plasturgie et de manipulation des matériaux composites, permet aux constructeurs de tester de nouvelles formes de cadre. Tout le monde se souvient du Pinarello d’Indurain avec sa forme hors du commun. Le KG 196 sera très populaire sur la piste.
Depuis les années 90 : petits changements, mais grosses incidences
Depuis les années Indurain, le vélo a peu changé. Certaines améliorations comme les dérailleurs électriques ont mis du temps à être adoptées par le peloton, signe que le vélo est arrivé à une phase de maturité et qu’il ne changera plus beaucoup.
Le changement de vitesse au guidon (1990)
Avec ses manettes STI, Schimano fait sensation. Le fabricant japonais avait déjà apporté sa pierre à l’édifice dans les années 80 en inventant les manettes indexées (SIS) qui permettaient un changement de vitesse précis (à l’oreille), mais aussi en continu lorsque l’on roule.
Avec les manettes STI, les manettes ne se trouvent plus sur le cadre, mais au guidon. Les manettes de frein permettent de changer de plateau et les petites manettes situées derrière permettent de changer de pignon. Avec ce système, il est possible de changer de rapport avec les mains en bas du guidon ou sur les cocottes.
Les freins se modernisent : apparitions des doubles pivots (1990)
Les freins double-pivot de chez Schimano, les fameux SLR, vont avoir un énorme succès. Auparavant, c’était un modèle à simple pivot qui était utilisé. Les simples pivots avaient deux inconvénients majeurs. Ils manquaient de progressivité et rendaient le freinage assez violent. Deuxièmemement, le centrage des patins avait tendance à se dégrader au cours du temps si bien que le coureur se retrouvait avec les patins qui frottaient en permanence sur la jante.
Avec les freins à double pivot, la distance de freinage diminue. Les forces de serrage étant démultipliées, le freinage est plus efficace. De plus, grâce à une vis de centrage, le mécanicien peut régler les mâchoires plus précisément et garantir au coureur un freinage souple.
Mavic en avance de vingt ans : le dérailleur électrique (1992)
Avec le dérailleur électrique, Mavic a été trop visionnaire. Jusque-là, les dérailleurs étaient actionnés par des câbles. Mavic propose un dérailleur sans câbles, avec des commandes électriques. Les coureurs sur route, qui avaient l’air très content de leur transmission à câble, ont boudé le dérailleur électrique pendant très longtemps.
Le système électrique sera expérimenté par les équipes ONCE et RMO sur le tour de France, mais personne ne l’a adopté. Le modèle de chez Mavic sortira dans le commerce en 1999, sous le nom de Mektronic. Longtemps oublié, son usage s’est généralisé très récemment. Mavic avait vu juste.
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