Henri Cornet, le vainqueur du tour 1904

Henri Cornet, 19 ans, vainqueur du Tour de France 1904.

Vous trouvez que Richard Virenque et que Lance Armstrong sont des tricheurs ? Alors vous ne connaissez sans doute pas Le Tour de France des origines. Au début du XXème siècle, tous les coups étaient permis… à condition de ne pas se faire prendre par la patrouille.

Bienvenue en 1904, pour la deuxième édition de cette course déjà mythique. Règlements de compte par bande interposée, tronçons parcourus en voiture, arrêt ravitaillement avec vin rouge chez l’habitant, clous versés sur la route, émeutes organisées, tentatives de meurtre, l’épreuve tenait toutes ses promesses.

Voici un petit aperçu de l’édition qui aura vu Maurice Garin, pour la deuxième fois, remporter la course avant d’être disqualifié pour avoir pris des libertés avec le règlement. La première place est revenue à un jeune coureur de 20 ans, Henri Cornet, qui avait lui aussi triché. Vous l’aurez compris, à cette époque, le Tour de France était une véritable aventure homérique.


Petit aperçu de la course et de l’édition précédente

Le Tour de France 1904 s’est déroulé entre le 2 et le 24 juillet, sur un tracé similaire à celui de l’édition 1903. Le parcours de 2.428 km était divisé en 6 étapes d’environ 400 km chacune. Par rapport à la moyenne des étapes actuelles (environ 170 km) et au matériel à disposition, boucler la course relevait déjà de l’exploit.

En 1903, la course a été dominée par 3 hommes : Maurice Garin, Lucien Pothier et Fernand Augereau. Les deux premiers seront au départ du Tour 1904 en compagnie du frère de Maurice Garin, César. L’organisation du Tour promettait 5 francs par jour de course aux 50 premiers coureurs à franchir la ligne d’arrivée. S’il y avait moins de 50 coureurs à l’arrivée, ceux qui avaient abandonné gagneraient quand même 5 francs par jour passé sur le vélo.


Déroulement du Tour de France 1904

Cette édition est sans doute la plus extravagante de toutes. Les contrôles étant peu fréquents et les caméras absentes, les coureurs ont pu user de différents stratagèmes pour s’imposer. Entre les foules partisanes, les barricades et les coureurs qui prennent le train, cette édition a des airs de western.

Parcours du Tour de France 1904

Parcours du Tour de France 1904

1ère étape : Montgeron-Lyon

Cette étape est plutôt calme jusqu’au centième kilomètre. Lucien Pothier, qui est dans le groupe de tête emmené par Maurice Garin, casse son vélo et perd 10 minutes qu’il réussit à reprendre ensuite. Aux alentours de Nevers, Aucouturier fait un vol plané. Il se relève et continue l’épreuve avec le visage en sang. Garin et Pothier en profitent pour prendre la poudre d’escampette.

La une d'un journal italien pour le Tour de France

Même les journaux italiens de l’époque faisaient leur une avec le Tour de France

Juste avant l’arrivée, Garin tente de semer Lucien Pothier, mais tombe dans une embuscade. Des hommes armés surgissent à bord d’une voiture. Ils tentent de le mettre à terre et de lui voler son vélo. Lucien Pothier, qui refaisait son retard, se retrouve bien malgré lui pris dans l’embuscade. Les deux coureurs qui nourrissent pourtant une féroce rivalité n’ont d’autre choix que de se battre ensemble pour mettre leurs assaillants en déroute. À l’arrivée, ce sera Garin qui remportera l’étape.

Aucouturier, qui a crevé plus de fois que de raison, semble avoir été victime de sabotage. En plus d’avoir perdu du temps, il écope d’une amende pour avoir reçu l’aide d’un cycliste qui ne faisait pas partie de la course. Samson est aussi sanctionné pour avoir fait une partie du trajet dans le sillage d’un camion, tout comme Chevalier qui a fait une partie du trajet en voiture. Quant à Payan, il est disqualifié pour avoir bénéficié d’une aide extérieure. Seul Maurice Garin, qui a reçu de la nourriture de la part d’un officiel de la course, échappera aux sanctions.

2ème étape : Lyon-Marseille

Lors de la deuxième étape, Antoine Faure, l’un des Lyonnais de l’épreuve, reçoit un soutien précieux des hommes de sa région. Après que le public ait su que Garin a bénéficié d’une certaine impunité, un groupe de 200 personnes décide de bloquer la route à Garin pour que Faure, l’enfant du pays, puisse s’échapper. Cette manœuvre sera un succès mais Faure sera néanmoins repris quelques kilomètres plus tard.

En descendant vers la Méditerranée, le verre cassé et les clous sur la route se font plus réguliers. Au sommet du col de la République, un groupe décide d’attendre les coureurs de tête pour les poignarder. Garin et Gerbi, averti par une partie du public, échappent à la mort et s’en sortent avec seulement quelques doigts cassés. À l’arrivée, ce sera Aucouturier qui s’imposera.

Le coureur cycliste Hippolyte Aucouturier

Hippolyte Aucouturier, vainqueur de 4 étapes au total.

3ème étape : Marseille-Toulouse

Cette étape passe près d’Ales, le pays de Ferdinand Payan. Rappelons que ce dernier a été expulsé à l’issue de la première étape pour avoir bénéficié de l’aide de personnes extérieures à la course. Le public s’en souvient, comme il se rappelle de la mansuétude de l’organisation à l’égard de Maurice Garin. Les coureurs vont faire les frais de ce ressentiment profond qui anime les partisans de Ferdinand Payan.

Arrivés à Nîmes, les cyclistes sont stoppés par une foule de spectateurs en colère venus d’Alès pour en découdre. Le public monte des barricades et s’en prend aux coureurs, lesquels sont obligés de se défendre. Il faudra attendre que les officiels dispersent la foule en tirant au revolver pour que la course puisse reprendre. Jusqu’à Toulouse, les coureurs doivent faire face à des clous dispersés sur la route. Au cours de l’émeute de Nîmes, Maurice Garin s’est blessé au bras et doit pédaler jusqu’à Toulouse avec une seule main sur le guidon. Au dernier point de passage, la confusion est telle que les temps des coureurs n’ont jamais été enregistrés.

Scène du Tour de France 1904

Le Tour de France 1904 dans la roue de Maurice Garin (en noir)

4ème étape : Toulouse-Bordeaux

Après les évènements des trois étapes précédentes, cette étape est plutôt calme. Les frères Garin et Pothier roulent ensemble. La victoire finale se joue de manière amicale dans le dernier kilomètre et c’est Lucien Pothier qui s’impose.

5ème étape : Bordeaux-Nantes

Cette étape est, elle aussi, assez calme, hormis les clous et les tessons qui jalonnent le parcours. À cette époque, le dépannage est interdit sur la course si bien qu’Henri Cornet, qui a crevé ses deux pneus durant l’étape doit rouler sur les jantes pendant les 40 derniers kilomètres. À Nantes, c’est Aucouturier qui l’emporte. Il signe la troisième victoire d’étape de ce Tour de France. Malgré tout, le classement général est dominé par Maurice Garin.

6ème étape : Nantes-Paris

Cette étape n’a rien d’une ballade de santé pour les coureurs, même si les conditions sont plus favorables que dans le Rhône et l’arrière-pays méditerranéen. Dans le dernier kilomètre, Garin, Dortignac et Aucouturier s’échappent. La course est arrêtée au niveau du dernier pointage, à Ville-d’Avray. Puis, la pluie commence à tomber. Les organisateurs décident d’arrêter l’épreuve. Garin est déclaré vainqueur.


Henri Cornet, le cinquième, déclaré premier !

Pothier, Maurice et César Garin

Le podium de la course avant les disqualifications en série : Lucien Pothier, Maurice Garin et César Garin

Quatre mois après la course, l’UVF (Union Vélocipédique Française) décide de disqualifier les 4 premiers coureurs à cause des nombreux abus qui ont eu lieu durant l’épreuve. Au total, 29 coureurs reçoivent une sanction disciplinaire. Le vainqueur Henri Cornet a bénéficié des largesses de l’organisation alors que des témoins l’ont vu prendre le train et recevoir illégalement de la nourriture. La course a totalement échappé à l’organisation et il fallait absolument un vainqueur…

Desgranges, le premier organisateur du Tour de France, n’a pas été loin de jeter l’éponge, mais il a eu cette phrase qui résonne encore jusqu’aujourd’hui : « Nous devons continuer cette croisade pour nettoyer le cyclisme et c’est une chose dont seul Le Tour de France est capable ».

Cent ans après, les organisateurs bataillent encore pour la crédibilité de la course.

Classement final officiel :

1er : Henri Cornet (France)

2nd : Jean Baptiste Dortignac (France)

3ème : Aloïs Catteau (Belgique)

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